À la pointe de l’accessibilité dans le jeu vidéo, Xbox s’est associé à Philousports, célèbre trublion de Twitter, pour rendre plus visible la situation de millions de joueurs. Une cause qui tient à cœur à la patronne de la branche gaming France, Ina Gelbert, pour laquelle il est aussi du ressort du constructeur et des éditeurs d’apporter leur aide à la cause.
C’est un nom que les plus assidus sur Twitter, notamment si vous aimez le sport et les GIF, ont forcément déjà croisé : Philousports. Derrière ce pseudo, se cache un fan de foot et de jeux vidéo enthousiaste, prompt à amuser la célèbre plateforme avec ses messages teintés d’humour et de beaucoup d’autodérision, notamment autour de son handicap.
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Atteint d’une myopathie qui l’empêche marcher, Philippe de son vrai prénom -ou Philou pour ses followers- a le verbe haut et la fougue au bout des doigts. Des doigts dont il a progressivement perdu la mobilité avec la maladie, l’obligeant petit à petit à renoncer au jeu vidéo, faute de pouvoir tenir une manette correctement. « Le jeu vidéo était une passion que j’ai dû stopper à cause de ma maladie évolutive, » explique Philousports à Frandroid. « Il avait pourtant une grande place dans ma vie. »
Moyen pour lui de s’évader et d’accéder à des choses qu’il ne pouvait faire dans la vraie vie, comme jouer au foot, il y trouvait là un défouloir, mais aussi des émotions qu’il ne connaissait pas forcément comme « la frustration et l’énervement quand (il) perd. » Mais lorsque l’on n’est pas équipé pour surmonter ce problème, perdre la mobilité de ses mains s’avère un véritable handicap quand on est adepte des jeux de tir compétitifs ou de FIFA.
C’est en discutant sur Twitter, son terrain de jeu préféré, que Philou noue contact avec Xbox et CapGame, une association spécialisée dans l’accessibilité aux jeux vidéo. Cette dernière, créée en 2013, s’attelle à proposer des solutions aux joueuses et joueurs en situation de handicap, que ce soit au niveau du matériel ou du logiciel.
« Nous étions tous les trois en contact depuis longtemps. Et au fil des discussions, l’idée nous est venue de faire quelque chose ensemble », explique Ina Gelbert, directrice de Xbox France. « Ça s’est fait très naturellement. L’idée n’était pas de faire du bruit ou de le prendre comme ambassadeur Xbox. On a simplement voulu l’aider à faire son setup. »
Depuis plusieurs années, Xbox a une politique très engagée en matière d’accessibilité dans le jeu vidéo. « Tout le monde n’a pas compris que le jeu vidéo était déjà accessible. C’est aussi notre rôle de le montrer, dans les fonctionnalités qu’on propose, nos jeux, le matériel, etc. Ça évolue et ça fait du bien », ajoute Ina Gelbert. Xbox a en ce sens multiplié les initiatives dans des jeux comme Gears 5, premier jeu AAA considéré comme totalement accessible par l’association Can I Play That qui note les jeux selon ce critère. Sony a certes du retard dans ce domaine, même si la firme a préalablement mis le paquet sur l’accessibilité de ses jeux comme The Last of Us Part II, mais commence à le combler avec l’ajout de paramètres de réglages également dans sa PlayStation 5. Tout bon pour les joueurs concernés.
L’exemple le plus frappant côté Xbox fut sans aucun doute l’intronisation de la manette adaptative il y a quelques années, un énorme contrôleur, sorte de hub sur lequel brancher des accessoires pour pouvoir permettre à des joueurs en situation de handicap d’avoir un matériel parfaitement adapté à leurs besoins. De nombreux accessoiristes comme Logitech par exemple ont développé des boutons, sticks et autres capteurs qui se connectent pour multiplier les propositions. C’est autour de cette base que Xbox et CapGame sont venus épauler Philou.
Un ergothérapeute s’est ainsi rendu en Corse chez ce dernier pour identifier ses besoins matériels et comprendre ses envies de joueur afin d’adapter au mieux son installation. S’il a évidemment pu profiter de la Xbox Series X pour retrouver ses sensations de gamer et d’une manette adaptative pour répondre à sa problématique, Philou avoue avoir été impressionné par les possibilités dont il ne connaissait pas l’existence. « Ils m’ont apporté beaucoup, car j’ai découvert pas mal d’innovations techniques notamment pour jouer avec autre chose que les mains, comme la tête », nous confie-t-il. Et d’ajouter : « En jouant grâce à mon nouveau setup adapté, j’ai retrouvé mes sensations. Le progrès et les efforts qui ont été réalisés sont incroyables. Même un handicapé lourd comme moi peut jouer facilement.
.@JustOneHand est sur la scène #XboxPGW pour jouer à #forzahorizon4 avec la manette adaptative pic.twitter.com/nKAS3mj6h0
— Xbox FR (@XboxFR) October 27, 2018
En s’associant avec Philousports qui a voulu montrer son amour du jeu vidéo, Xbox et CapGame espèrent mettre en lumière l’accessibilité dans le gaming. Ils ont pour cela réalisé ensemble une série de courtes vidéos baptisée Philou rejoint la partie pour expliquer tout le parcours de Philou, de la conception à l’installation du nouveau setup et comment s’est élaborée la solution parfaite pour lui.
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“L’objectif, c’était avant tout de mettre la lumière sur ces sujets-là, sur ces personnes et qu’elles montrent aux autres que c’est possible”, clame la patronne de Xbox France. “Le vrai message est là : il faut sensibiliser les personnes en situation de handicap et leur entourage sur le fait qu’elles peuvent jouer aux jeux vidéo en toute simplicité.”
Avec la crise du Covid-19, le projet, initié fin 2020, aura mis quelque temps à se faire, mais pour le plus grand bonheur de tous. “CapGame était très motivé, car montrer ce qu’il est possible de faire fait partie de leur mission”, se souvient Ina Gelbert qui rappelle que la France compte 12 millions de personnes handicapées et que 70 % n’ont pas de handicap visible.
“Le problème, c’est à la fois le jeu et le matériel. La manette est la continuité de ce que tu as en tête, l’action que tu veux faire. Et pour certains, la manette standard peut être un frein, une barrière. Puis ce sera l’écran, sa luminosité ou les couleurs. Le son si tu es sensible aux bruits ou que tu ne les perçois pas, etc.,” énumère-t-elle. “En fonction de ton handicap, tu vas te heurter à des obstacles qu’il faut contourner. Il n’y a pas de handicap prioritaire et, chez Xbox, on essaie de tout faire pour les traiter de manière équitable”.
Et à ce jeu-là, la France est d’ailleurs plutôt pionnière. Ce partenariat avec Philousports est le fruit “d’une vraie sensibilité de l’équipe France” qui avait déjà fait en sorte que son stand de la Paris Games Week puisse être accessible à tous les visiteurs. D’organiser aussi des visites guidées avec CapGame et des traductions en langue des signes de ses conférences tenues sur le salon parisien du jeu vidéo. “On a peut-être été précurseur et sensible un peu plus tôt que les autres,” se félicite Ina Gelbert. “Ça remonte dans d’autres filiales et on voit d’autres projets assez similaires aux États-Unis ou au Canada.
Faire en sorte de s’inspirer les uns des autres et souffler des idées : une très bonne chose pour la boss française du jeu vidéo à la croix. Elle admet n’avoir pas toujours été sensible au sujet de l’accessibilité, par méconnaissance surtout. « Je n’avais pas de personnes dans cette situation dans mon entourage, je n’y avais jamais vraiment fait attention« , reconnaît-elle, avant d’écouter des témoignages et de rencontrer des personnes concernées. « Une fois que tu l’as pris en considération, tu ne reviens plus en arrière. Dans la moindre réflexion que tu as, tu y penses et tu fais en sorte de l’inclure. »
Une philosophie très marquée chez Microsoft où Satya Nadella a toujours exigé de ses équipes que la moindre innovation soit pensée pour être utilisée par tous, valides comme handicapés. Phil Spencer a repris ce credo pour Xbox et la firme a récemment lancé les Xbox Accessibility Guidelines, une feuille de route soumise aux développeurs de jeux vidéo pour qu’ils s’assurent que leurs titres sont adaptés au plus grand nombre. S’il ne s’agit pas d’un passage obligatoire pour valider un jeu sur Xbox, cela s’apparente néanmoins à de fortes recommandations. « Nous espérons qu’à partir de maintenant, sur tous les projets qu’on mène en tout cas, ça devienne une sorte de norme sur le développement des jeux, qu’un jeu qui sort soit le plus accessible possible et surmonte toutes les barrières« , explique Ina Gelbert.
Comment faire en sorte que l’accessibilité dans le jeu vidéo devienne une norme et s’inscrive dans la logique de développement ? « Cette volonté d’accessibilité du jeu vidéo doit arriver en amont de la sortie du jeu et même dès la conception », martèle-t-elle. Mais elle sait aussi que le temps est le principal frein. Le temps de développement d’un jeu, mais aussi celui de porter le message et de rendre le tout visible. Des associations comme HitClic qui fournit du matériel adapté aux joueurs handicapés, des initiatives comme celles de multiples Youtubeurs qui essaient de faire connaître leur pratique et d’alpaguer les éditeurs et fabricants pour leur faire prendre conscience de la situation de très nombreux joueurs, ou bien Rebird, la première équipe handi esport : les messagers existent, mais peinent encore à se mettre en lumière.
Même s’ils ne sont pas allés chercher Philou pour cela, Xbox tient là un merveilleux porte-voix sur un réseau Twitter particulièrement choyé par les gamers. « Les lignes bougent, ça commence« , s’enthousiasme Philou qui n’exclut désormais plus de streamer comme les autres. « Plus il y aura de visibilité, plus les choses iront vite et je suis optimiste« , lâche un joueur heureux d’avoir retrouvé ses sensations et de pouvoir profiter d’Assassin’s Creed et autres jeux de courses ou de tir qui lui manquaient temps. Faire parler, montrer, expliquer toujours et encore : une nécessité, mais aussi une façon de bousculer un peu plus les idées reçues sur le joueur geek et de montrer que le jeu vidéo est bien l’affaire de tous. De toutes les manières possibles et faisables.
23/03/2021 06:00 PM
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